La prospection terrestre en labours

La campagne de prospections archéologiques en labour s’est déroulée cette année à Nanteuil-le-Haudouin (sud de l’Oise, hauts-de-France). L’objectif de cette campagne était de préciser les modalités de l’occupation du sol autour de ce bourg. A plus grande échelle, il s’agit de comprendre la mise en place et le fonctionnement de l’espace vivrier du prieuré bénédictin de Nanteuil-le-Haudouin, fouillé par Philippe Racinet il y a trente ans. Malgré un temps détestable, la prospection a permis de localiser du mobilier antique et médiéval sur les plateaux de Nanteuil. Pour la petite histoire, rappelons que le CAHMER (alors CAMER) a été créé ici en 1987, afin de développer une approche totalement novatrice de l’archéologie, en partant du constat que, dans le domaine historique, les études restent trop limitées chronologiquement, géographiquement et thématiquement dans la mesure où le concept d’ «histoire globale » est encore peu abordé et admis. De plus, il s’agit de lutter contre l’absence fréquente de collaboration entre l’histoire, la géographie et l’archéologie aussi bien dans la formation que dans la préparation et l’exploitation de la fouille.

La prospection terrestre systématique en labours est un outil de premier ordre pour l’étude d’un anthroposystème. Il est l’un des seuls à fournir une image précise de l’activité humaine sur une vaste surface et pour une étendue chronologique assez importante. Il conduit à la fois à localiser les différents sites archéologiques, toutes périodes confondues, et à déterminer, éventuellement, la période de mise en culture de la parcelle, permettant ainsi de dresser une carte de l’occupation du terroir à différentes époques.

           La prospection dans le terroir de Rouanne

A titre d’exemple, le LAHP organise des prospections terrestres systématiques en labours dans le terroir du Rouanne depuis 1995. Cela a permis d’explorer en totalité plus de 1500 ha (50 % de la surface totale du terroir, mais la quasi-totalité des champs encore cultivés). Il a été récolté plus de 60 000 artefacts, dont 20 000 tessons de céramique, et près de 60 sites ont été individualisés, soit un site tous les 27 ha.

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La prospection terrestre en labours est aussi appelée prospection pédestre ou prospection de surface (field walking en anglais). La technique de la prospection terrestre systématique est appliquée méthodiquement à la totalité d’un champ et – si possible – d’un terroir, sans préjuger de l’existence de sites (d’où le nom anglo-saxon de non-site survey, prospection hors-site). Elle est très adaptée pour découvrir les établissements désertés, moins pour dater des établissements encore bâtis. Cette méthode fournit le semis des sites inédits, c’est-à-dire les concentrations de vestiges à la fois délimitées dans l’espace (on peut en reconnaître les bords) et dans le temps (les vestiges sont rattachables à une période précise, plus ou moins longue). La méthode fournit également la densité du mobilier diffus, le « bruit-de-fond », témoin des fumures apportées aux champs ou de toute autre utilisation sans habitat. On connaît ainsi, en plus des sites proprement dits, leur espace agraire approximatif. Cette méthode est donc très précieuse pour l’étude d’un terroir. Alain Ferdière l’a mise pour la première fois en place à Lion-en-Beauce à la fin des années 1970 et a édité un manuel de prospection particulièrement complet et précis en 1998. C’est à ce manuel, et en particulier aux pages 9 à 91, qu’il faut se référer pour un descriptif détaillé de la méthode. Elle s’inspire elle-même des méthodes de non-site survey mises en place par les anglo-saxons et appliquées par eux en Italie dès les années 1950 (travaux de J. Ward-Perkins en Étrurie). La technique a été complétée et mise en ouvre pour la première fois dans l’Oise par J.-M. Popineau et Ph. Racinet à Roberval en 1995. Il s’agit de prospection pédestre en labours par lignes. Il existe aussi de nombreuses campagnes de prospection aléatoires, au gré du prospecteur. Elles ne peuvent pas fournir des résultats aussi précis du fait de leur méthode.

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Bibliographie :

A. BROWN, Fieldwork for archaeologist and local history, Londres 1987.

P.-J. FASHAM, « Approche de la prospection systématique », La prospection archéologique, paysage et peuplement, actes de la table-ronde des 14-15 mai 1982, Paris (A. FERDIERE et E. ZADORA-RIO dir.), Documents d’Archéologie Française n° 3, 1986, p. 19.

A. FERDIERE et A.-M. FOURTEAUX, « Gestion des archives du sol en milieu rural. Expérience de prospection systématique à Lion-en-Beauce (Loiret) », Revue d’Archéométrie, n° 3, 1979, p. 67-96 ou

A. FERDIERE et E. ZADORA-RIO, « la prospection archéologique, paysage et peuplement, actes de la table ronde des 14/15 mai 1982, Documents d’Archéologie Française n° 3, 1986 ou A.-M. FOURTEAU, op. cit., p. 78

A. FERDIERE (dir), La prospection, collection « archéologiques », Paris, 1998

C. HAYFIELD, Fieldwalking as a method of archaeological research, Londres, 1980.

T. F. KING, The archaeological survey : methods and uses, Washington, 1978.

J.-M. POPINEAU, « Les grands essartages du XIIe siècle dans le domaine royal : la formation d’un paysage médiéval à Villeneuve-sur-Verberie (Oise) », Revue Archéologique de Picardie, 1999, 3/4, p. 151-169.

J.-M. POPINEAU, « L’Homme et le hameau dans le val du Rouanne (Oise). La formation d’un paysage au bâti semi dispersé, de l’Antiquité à la fin du Moyen Âge », Revue Archéologique de Picardie, 2007, spécial 24, 376 p.

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