Grandmont, premier aperçu des résultats de la campagne 2019

I) L’église médiévale et le cloître

En 2019, il s’agissait uniquement de finir la fouille de la zone d’accès de l’église à la galerie nord. Dans la partie ouest de la nef subsiste un dallage de granit collé contre le fantôme du mur gouttereau sud de la nef qui a été entièrement démonté. Sous ces lambeaux de sol, 3 individus ont été fouillés en 2019. Ils sont inhumés dans un lieu privilégié, un endroit de passage de l’église à la galerie nord du cloître. On a retrouvé une bulle en plomb du pape Clément VII, pape d’Avignon de 1378 à 1394, située sur le haut du thorax d’un des individus. Le document qu’il scellait a disparu. Cette datation confirme les autres inhumations tardives dans la nef et la galerie entre les XIVe et XVIe siècles.

Des fosses ont été identifiées sous la terre noire du parterre de la cour du cloître.

La première est profonde d’environ 70 cm et elle est comblée au fond de sa partie orientale par de l’arène granitique recouverte par du remblai de démolition. Le tout est scellé par la terre noire qui a servi à poser le dallage. Il pourrait s’agir d’une fosse d’extraction de tuf utilisé dans la composition du mortier. Elle est associée à une saignée dans le granit. On a retrouvé à l’intérieur de la céramique alto-médiévale (VIIIe-IXe siècle). Donc cela montre qu’il y a de l’activité sur le site avant l’arrivée des frères. Les fosses sont toujours les structures les plus anciennes du site, ce sont peut-être des anciens fonds de cabane. Dans la deuxième fosse, on a retrouvé des monnaies de la fin du XIIe et du XIIIe siècles, de la céramique XIVe, des éléments lapidaires du XIIIe siècle. On note la présence également d’une saignée dans le substrat. La fouille en 2019 a permis de révéler une structure construite avec un mortier beige-orangé peu commun sur le site (une semelle de fondation du contrefort ?) qui recoupe la fosse ainsi que son contenu.

II) Le cimetière médiéval

C’est l’intérêt principal de la campagne 2019. Beaucoup de questions se posent en archéologie funéraire : Quels sont les espaces privilégiés pour les inhumations ? Comment sont-ils organisés pour l’ensemble de la période d’occupation religieuse ? Peut-on parler de politique funéraire à Grandmont et si oui comment a-t-elle évolué ?

Le granite est en forte pente comme on est en rebord de promontoire. Une première couche noire, grasse, recouvre le granite. Il ne s’agit pas d’une couche d’occupation anthropique, mais d’une couche végétale, naturelle, issue de la décomposition des végétaux. On voit encore par endroit le réseau racinaire. Lorsque les moines ont aménagé le rebord, il y a de la végétation, des arbres, de l’herbe sur le granite. Ils ont ensuite recouvert le rocher et la terre naturelle par une alternance de remblais sableux et de terre noire afin de mettre à plat.

À la surface des remblais, un cimetière a été installé au XIIe siècle (datation radiocarbone + monnaie). La semelle débordante du chevet, qui fonctionne stratigraphiquement avec la zone cémétériale, appartient sûrement à un chevet antérieur construit au XIIe siècle. Une cinquantaine de tombes ont été fouillées en 2019. Elles sont agencées sur plusieurs lignes nord-sud avec au moins deux phases d’inhumation. Une trentaine de fioles en plomb avec une croix gravée ont été retrouvées, certaines en place sur le thorax des individus, d’autres plus proches des mains et de l’abdomen. L’une d’entre elles est encore pleine du liquide qu’elle contient depuis le XIIe siècle. On va pouvoir vérifier s’il s’agit d’eau bénite, comme le laisse penser le récit d’un chroniqueur du XVIe siècle, ou des restes de vin et d’hostie consacrés.

On a également deux espaces vides dans des alignements de tombes qui pourraient correspondre à un passage entre les sépultures. Le niveau d’inhumation supérieur tient compte du niveau d’inhumation inférieur en tombes construites ce qui laisse supposer qu’elles étaient au moins en partie visibles, matérialisées au sol. La partie sud-est du cimetière est plus perturbée, les inhumations ont été plus intenses dans ce secteur. L’ensemble du cimetière n’a pas été géré de la même manière ce qui invite au prolongement de l’ouverture en 2020.

Un massif de maçonnerie, sans réemplois, fait partie de l’aménagement du cimetière. Il est bien maçonné et ses fondations vont jusqu’au géol. Sa tranchée de récupération est venue recouper le niveau de cimetière, nous empêchant d’établir un lien stratigraphique entre les sépultures et la construction. Il s’agit peut-être d’une lanterne des morts. Un chroniqueur du XVIe siècle signale bien l’existence de ces structures dans le cimetière.

L’ensemble du secteur est recouvert par un remblai de terre noire riche en mobilier qui est mis en place lors du grand terrassement effectué à l’est du chevet à l’époque moderne. On y a retrouvé de belles pierres tombales qui ne sont pas en place dont celle d’un sacerdos datant de la fin du Moyen Âge. Ces remblais XVIIe très épais, viennent perturber le cimetière médiéval. On a retrouvé des pièces de mobilier intéressantes dans ce secteur comme un couvercle d’encensoir ou encore une petite statue de saint en calcaire (donc importé) avec encore des traces de polychromie.

4) Le bâtiment du XVIIIe siècle

Dans les années 1730, les religieux décident d’installer une nouvelle église au nord et d’édifier un bâtiment résidentiel dans le prolongement du transept sud. Les constructions préexistantes sont donc arasées, recoupées, totalement détruites.

Il s’agit d’un grand bâtiment de direction Nord-Sud équipé de plusieurs caves et possédant une galerie occidentale. Les murs sont épais (plus de 2 m). On a retrouvé une cave monumentale comblée avec du remblai contenant peu de mobilier. C’est un rectangle composé de plusieurs murs sans départ de voûtes ou traces d’un plancher pour le rez-de-chaussée. On a identifié en 2019 un large escalier monumental qui devait permettre d’accéder aux étages du bâtiment avec peut-être un accès direct vers l’extérieur également.

Vue du sud du cimetière médiéval. Cliché Ph. Racinet

Bulle du pape Clément VII dans la sép. 56. Cliché Ph. Racinet

Fiole en plomb retrouvée en contexte d’inhumation. Cliché Magali Giuge

Couvercle d’encensoir retrouvé dans les remblais du cimetière médiéval. Cliché Magali Giuge

Pierre tombale de la fin de l’époque médiévale retrouvée dans une couche de destruction. Cliché Ph. Racinet

Escalier monumental du bâtiment XVIIIe siècle. Cliché Ph. Racinet

Buste en calcaire d’une petite statue de la fin de l’époque médiévale, retrouvé dans une couche de destruction. Cliché Magali Giuge

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